Le prochain Vendée Globe partira le 6 novembre 2016 des Sables d’Olonne. D’ici là, Skippair vous propose de faire connaissance avec les skippers alignés au départ de la plus éprouvante des courses au large ! Dans ce deuxième épisode, on prend un bain de jouvence avec Alan Roura (La Fabrique). Le Suisse est le plus jeune skipper de l’histoire à participer à ce tour du monde en solitaire sans escale ni assistance.
Il paraît que la valeur n’attend pas le nombre des années. Il suffit de rencontrer Alan Roura pour s’en convaincre. Du haut de ses 23 ans, le skipper suisse en a déjà passé vingt sur un bateau. Autant dire que le jeune homme a déjà une solide expérience de la navigation. Et aussi une belle collection de souvenirs en mer. Une queue de cyclone dans le Pacifique le soir de Noël, un « grain blanc » au Venezuela, une visite-surprise de baleine aux Tonga… Alan Roura égrène avec un large sourire les péripéties de ses pérégrinations autour du monde.
C’est avec le même enthousiasme qu’il se prépare à affronter aujourd’hui le Vendée Globe sur son monocoque La Fabrique. Le 6 novembre prochain, il deviendra le plus jeune concurrent de l’histoire à en prendre le départ. Un défi que le Suisse s’apprête à relever avec insouciance et – il le reconnaît lui-même – une pointe d’inconscience. Et toujours le sourire aux lèvres.
Alan Roura : Ma participation au Vendée Globe prouve que l’on peut réaliser ses rêves
Skippair : Comment aborde-t-on une course aussi difficile que le Vendée Globe quand on est âgé de seulement 23 ans ?
Alan Roura : Le Vendée Globe, c’est le projet d’une vie. On a longuement réfléchi avant de démarrer le projet. On est dessus depuis trois ans. On s’est posé les bonnes questions, on a pesé le pour et le contre. Et au final, il n’y a pas d’âge pour se lancer. C’est plus une expérience maritime qu’il faut avoir. J’ai participé à plusieurs courses avant celle-ci. Je pense donc avoir justement l’expérience nécessaire pour participer au Vendée Globe.
Skippair : Mais votre jeunesse, vous la considérez comme un atout ou un obstacle ?
Alan Roura : Sur certaines compétitions, elle peut être un avantage. Sur le Vendée Globe, c’est plutôt un handicap. On risque sa vie, on navigue trois mois au milieu de l’eau… Moralement, on n’a pas forcément la force dont disposent certains skippers un peu plus âgés. Certes, à 23 ans, on a cette fougue de la jeunesse, mais elle ne fait pas tout. Dans un Vendée Globe, il faut être à la fois inconscient et conscient de ce que l’on fait. C’est pour cette raison que la moyenne d’âge est assez élevée. D’ailleurs, je trouve qu’un navigateur de 66 ans a plus de mérite de prendre le départ. Physiquement, je dis bravo au plus âgé, plus qu’au p’tit jeune !
Superbigou est de retour ! Alan Roura prendra le départ du Vendée Globe sur le monocoque conçu par son compatriote Bernard Stamm. Ici, lors de sa mise à l’eau, le 30 août 2016 – Christophe Breschi
Skippair : Vous allez prendre le départ sur un bateau qui, lui, est déjà bien rôdé. « Superbigou« , comme on le surnomme, a été construit par votre compatriote Bernard Stamm, à la fin des années 1990. Ce voilier possède un riche palmarès. Est-ce une responsabilité supplémentaire pour vous de faire le Vendée Globe avec lui ?
Alan Roura : Naviguer sur Superbigou est d’abord un honneur. Ce bateau a quand même un nombre incroyable de records, de tours du monde gagnés [il a notamment remporté deux solitaires avec escales, ndlr], et là, il va partir sur sa quatrième boucle autour de la planète ! Pour autant, la responsabilité est la même qu’avec un autre bateau de course. Superbigou est une vieille demoiselle aujourd’hui. Disons que le jeu de la gagne n’est plus là. On y va surtout pour l’aventure, finir un tour du monde, réaliser un rêve. Mais c’était ce bateau-là que je voulais, parce que son histoire me plaisait beaucoup.
Le Vendée Globe, j’y vais surtout pour l’aventure, finir un tour du monde, réaliser un rêve. Cette course, c’est le projet d’une vie.
Skippair : Justement, vous avez déclaré que Superbigou était le « bateau de vos rêves pour un premier Vendée Globe ». Pourquoi ?
Alan Roura : Je trouve ce bateau très élégant. Il a des lignes assez incroyables, malgré son âge. Il est moderne, rapide. Il a une très belle histoire. Je me souviens quand j’étais gamin de voir Superbigou dans les magazines, comme Voiles et Voiliers, et j’en bavais ! Aujourd’hui, j’ai la chance de l’avoir. Je sais également qu’il peut faire un tour du monde sans trop de soucis, et puis je voulais continuer l’histoire de Bernard [Stamm]. J’avais bien contacté d’autres skippers qui avaient des voiliers disponibles à l’époque, mais j’avais toujours dans l’idée de prendre le départ avec celui-ci. Et à ce niveau-là, c’est mission accomplie !
Retrouvez notre série d’articles sur les skippers du Vendée Globe
– Un tour dans le monde de… –
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Un projet pour faire rêver les gens
Skippair : Il existe une tradition suisse sur le Vendée Globe. Avant vous, vos compatriotes Bernard Gallay, Bernard Stamm et Dominique Wavre se sont alignés au départ. C’est toujours étonnant de se dire qu’un pays enclavé puisse produire autant de skippers… Comment l’expliquez-vous ?
Alan Roura : En Suisse, nous avons un petit lac, un petit pays et beaucoup de marins. Ca me plaît de continuer l’histoire. Pour ma part, quand j’étais petit, ma famille a commencé par habiter dans une espèce de maison, puis on s’est lancé à vivre sur un bateau à moteur sur le lac Léman. On a pris ensuite un voilier et nous sommes partis en voyage en 2001, pour onze ans de tour du monde. Au total, j’ai donc vécu environ vingt ans sur un bateau. J’ai grandi autour du globe en famille, à naviguer, à faire des courses… J’ai eu mes propres bateaux pour faire des régates.
Je me suis donc formé un petit peu tout seul dans mon coin, en ayant toujours ce rêve de faire de la course au large. Comme je n’avais pas beaucoup de budget pour monter mes projets, j’ai aussi toujours habité dans mes bateaux. Aujourd’hui encore, j’ai l’impression de vivre dans mon voilier, parce que je passe jour et nuit dedans pour le préparer. Et c’est sûr que de se retrouver à terre, dans un appartement, entre quatre murs, c’est quand même un peu difficile des fois…
La Suisse sera de nouveau représentée sur le Vendée Globe, grâce à Alan Roura. Son voilier met d’ailleurs à l’honneur les couleurs de la confédération – Christophe Breschi
Skippair : Vous avez lancé une campagne de financement participatif cet été et vous avez donné une forte coloration suisse à votre projet. D’où vient cette volonté de partager une aventure qui se vit fondamentalement en solitaire ?
Alan Roura : Le partage, c’est la seule chose que l’on a en fait ! Au final, on va partir trois mois tout seul sur l’eau. Bien sûr, il y a des projets sportifs qui sont là pour gagner la course. Mais il n’y a qu’une place pour la victoire et on est trente bateaux au départ [vingt-neuf skippers ont été finalement autorisés à prendre le départ, ndlr]. Il existe donc aussi des projets qui font rêver les gens. Il y a des personnes qui bossent toute l’année sans profiter de la vie, sans oser se lancer pour réaliser leurs rêves. Mais parfois, il ne faut pas grand-chose, juste, on va dire, vulgairement parlant, une paire de c……. !
Je veux montrer que l’on peut y arriver avec des petits moyens et une bande de potes. On travaille ensemble, on grandit ensemble. Car le Vendée Globe est à la fois une aventure humaine et un défi personnel. C’est génial !
Aujourd’hui, par exemple, je vois de jeunes Suisses qui ont fait la Mini-Transat notamment [traversée de l’Atlantique en solitaire sur des voiliers de 6.50 mètres de long, ndlr], et ils le disent : « Allan, tu nous as fait ouvrir les yeux, parce que tu t’es lancé avec peu de budget, tu as prouvé que tu pouvais le faire. » Or, la course au large montre désormais l’image d’un sport, où il faut avoir un gros budget, un bateau neuf, etc., pour y arriver. Pour ma part, je préfère montrer que l’on peut tous y parvenir, même avec des petits moyens et une bande de potes, et faire quand même un beau projet. Le Vendée Globe est donc avant tout une expérience humaine. Tout le monde est derrière pour partager l’aventure, encourager, trouver des financements… Je suis tout seul sur l’eau, mais à côté de cela, on n’est pas loin de cent, je pense, à faire fonctionner ce projet. C’est génial !
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Skippair : Votre petit budget est donc, en quelque sorte, assumé ?
Alan Roura : Oui, j’assume complètement le fait d’avoir un vieux bateau et un petit budget. Il n’y a pas de honte à avoir : c’est là l’esprit du Vendée Globe, et ça l’a toujours été. Peut-être que ça se perd un petit peu aujourd’hui. Mais il faut se lancer. Il n’y a pas besoin d’avoir des millions pour aller sur une course. Ca reste de l’eau, un bateau et un homme ! Alors, le voilier, il faut qu’il soit bien préparé, c’est vrai, donc il faut un minimum de sous. Mais les vieux bateaux finissent souvent le Vendée Globe, alors que les nouveaux, parfois, connaissent des petits soucis, parce que l’on va pousser trop loin dans la technologie, par exemple. Et de toute façon, vu l’expérience que j’ai dans la course au large aujourd’hui, ma démarche consiste avant tout à faire un premier Vendée pour voir comment ça se passe.
Alan Roura a mobilisé ses amis sur son projet de Vendée Globe. Pour le skipper suisse, cette préparation fut autant une aventure collective, que la course elle-même représentera un défi personnel – Team Un Vendée pour la Suisse
Le Vendée Globe ? Il faut être malade pour y participer !
Skippair : D’un point de vue personnel, que cherchez-vous en faisant de la course en solitaire ?
Alan Roura : Comment dire ? C’est le seul endroit au monde, où l’on est seul. Au milieu de l’eau, on peut faire tout ce que l’on veut, on est sûr de ne rencontrer personne ! On va à la montagne, on a une chance sur deux de croiser quelqu’un. En mer, on est vraiment seul avec soi-même, sur un bout de coque, au milieu de l’eau. Le Vendée Globe, c’est donc un challenge personnel, l’Everest des mers, comme on le surnomme. C’est un défi à la fois de tenir moralement trois mois sur un bateau pareil, de le faire marcher au maximum, et avant ça, de monter un projet avec une petite expérience. Le tout fait que c’est juste incroyable. Pour tout le monde. On travaille tous ensemble sur le bateau, on apprend tous ensemble, on grandit ensemble, et c’est magique ! C’est ce qui me fait rêver et c’est pour cette raison que je veux faire le Vendée Globe.
Dans le monde d’aujourd’hui, on ne prend plus le temps de se retrouver seul pour réfléchir à sa vie. Pendant le Vendée Globe, on a trois mois pour le faire…
Skippair : Mais quand même, vous allez passer trois mois tout seul sur un bateau au milieu des océans. Pourquoi s’infliger pareille épreuve ?
Alan Roura : Il faut être complètement malade, il ne faut pas se voiler la face ! Les trente skippers au départ sont les seuls sur Terre à vouloir faire ça en fait… Pour partir sur un Vendée Globe, il ne faut pas simplement avoir un bateau, de l’argent et y aller. Il faut soi-même être timbré pour faire cette course au large ! Parce que l’on va se retrouver seul, au beau milieu de l’eau. Mais c’est ce qui est magique avec cette course. Elle est la plus longue et la plus dure. Et je pense qu’au retour de cette expérience, les marins sont changés. On a une autre vision des choses.
Je ne sais pas comment l’expliquer, mais la beauté du Vendée Globe réside dans ces trois mois passés en mer tout seul à se retrouver, à se connaître en fait. C’est peut-être ce que beaucoup de personnes cherchent. On est aujourd’hui dans un monde, où c’est métro-boulot-dodo. On n’a pas un seul moment où l’on se retrouve seul à se poser des questions, par exemple, sur sa vie, ce que l’on aime et ce que l’on veut faire. Là, on a trois mois pour le faire. C’est magique !
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L’histoire que j’écris avec ce Vendée Globe est déjà belle
Skippair : Que pense votre famille de cette participation au Vendée Globe ?
Découvrez la réponse d’Alan Roura en vidéo :
Skippair : Vous avez dit, dans une interview : « Ce que je souhaite, c’est le large, le solitaire, pour raconter de belles histoires. » Quelle histoire voulez-vous écrire avec ce Vendée ?
Alan Roura : Je ne dis pas que je vais le faire… Ecrire une belle histoire, c’est faire vibrer les gens. C’est le partage, on y revient. Mais je trouve que l’histoire, elle est déjà écrite aujourd’hui. On a su prouver qu’on se battait jour et nuit pour arriver à ce que le bateau soit au départ. On a récupéré Superbigou en début d’année, on a fait un tour de l’Atlantique, on s’est qualifié pour le Vendée Globe, on a passé la jauge, etc. Normalement, il faut quatre ans pour monter un projet de cette ampleur. Là, avec le plus petit budget de la flotte et une bande de jeunes, on démontre que l’on peut le faire. Peut-être que demain, d’autres petits jeunes voudront se lancer à ce niveau-là. J’ai envie de leur dire : « il faut y aller, mais il faut savoir ce qu’il faut ». Il ne faut pas le faire sur un coup de tête. Peu importe les projets que l’on monte, on écrit toujours une histoire, mais il faut l’écrire bien.
Skippair : Dans votre cas, et pour votre premier Vendée Globe, qu’est-ce que cela signifie ?
Alan Roura : D’abord que l’histoire sera belle quand le bateau passera la ligne de départ – ce sera déjà une première victoire incroyable. Et si on arrive à rallier l’arrivée, ce sera d’autant plus magique. Mais 50% des bateaux n’y parviennent pas, donc il ne faut pas se voiler la face… Mais je considèrerai avoir réussi mon premier Vendée Globe, si je termine la course, avec les bateaux de la même génération que Superbigou autour de moi. Pas forcément derrière moi. En fait, j’aimerais bien que l’on se retrouve ensemble à la fin, parce que l’on se connaît tous et on vise le même objectif : boucler le tour du monde. Alors si on peut le finir tous ensemble, ce serait beau.
Dans le second épisode d’Un tour dans le monde d’Alan Roura : le skipper suisse vous raconte ses multiples aventures à travers les mers du globe, entre naufrage évité de peu le soir de Noël et rencontre tribale aux Tonga autour d’une boisson… stupéfiante !
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